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Domaine St Aubin
De 1919 à aujoud’hui
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— 1919
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C’est aux premiers colons, les Beaupré de Saint Aubin, que l’on doit le nom de l’ilet face auquel ceux-ci possédaient toutes les terres environnantes, vouées très tôt à l’exploitation de la canne à sucre. Leurs opinions monarchistes les conduisirent lors de la révolution à en être dépossédés par la nation, qui en revendit une majeure partie aux Huygues – Despointes, toujours très présents dans l’économie Martiniquaise en ce début de vingt – et – unième siècle.
Cette famille de « Békés » ( surnom donné dans les Antilles françaises aux créoles d’origine, généralement propriétaires de grandes plantations – le mot issu d’une langue d’Afrique de l’Ouest signifiant tout simplement « homme blanc » ) fit construire par l’architecte Martiniquais Pamphyle leur propriété prestigieuse en 1919.
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— 1933
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Il utilisa alors les premières techniques de ciment armé pour produire ces varangues aux colonnades d’inspiration Louisianaise dont les cannelures évoqueraient le travail d’un menuisier dans les années 1860 – 70. Les murs sont composés de grosses pierres volcaniques cimentées les unes aux autres, auxquelles un placage interne de bois ciselé apporte esthétisme autant qu’isolation thermique, tandis que les poteaux intérieurs de soutien, qu’on dirait en fonte, sont en réalité en bois du Nord. Le tournant du XIXème au XXème siècle y fusionne donc tant les techniques que les matériaux et les lignes.
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— 1950
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Bien que cette immense plantation qui descend jusqu’à l’océan entre Ste Marie et Trinité ait été peu à peu parcellée et /ou revendue à des exploitants agricoles au cours du siècle dernier (pour continuer de récolter la canne utilisée actuellement par les rhums St James), cette habitation sur son parc de deux hectares, surnommée « Château – Despointes », n’en est pas moins restée propriété privée jusqu’à la fin des années 1970, quand résidait encore ici une dernière dame d’un grand âge, seule mais entourée de plusieurs serviteurs vivant en quasi – autarcie d’un vaste verger, d’un potager et d’un petit élevage domestique, abreuvés par l’eau de la source qui y coule toujours, dans une atmosphère créole qu’on eut dit tirée d’un roman.
Fermée pendant quelques années, livrée à l’agression du climat tropical et son envahissante végétation, la vieille demeure conquit alors une réputation de maison hantée que la toiture hitchcockienne, visible à travers le portail depuis la route, ne fit que renforcer !
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— 1975
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Transformés par la suite en hôtel de tourisme mais néanmoins dénaturés (façades peintes en rose, faux plafonds en matériaux synthétiques, pose de linoléums et moquettes), les bâtiments tombèrent peu à peu dans une désuétude que l’insuffisante activité et le manque d’entretien contribuèrent à accentuer : le site était à la vente depuis 10 ans sans trouver d’acheteur quand Joëlle & Laurent Rosemain osèrent en faire l’acquisition.
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— 2003
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Ils décidèrent de retrouver l’authenticité et le faste de ce manoir créole : mobilier familial martiniquais d’époque en mahogany, décoration et objets du XIXème siècle, ravalement aux couleurs d’origine –ivoire et vanille -, documents sur la vie coloniale, etc … Depuis, une demi-douzaine de films historiques ont utilisé Le Domaine Saint Aubin comme décor.
Jointe à la maison de maître et suspendue avec salon d’été, une grande terrasse a notamment été créée, reproduisant à l’identique les colonnes et pilastres ; puis sont réhabilitées en chambres les anciennes écuries des maisons jumelles, serties de ces mêmes encorbellements qui deviennent ainsi l’image même d’une renaissance pour cet élément du patrimoine historique et architectural de la Martinique.
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Un portrait de vos hôtes
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Parisienne de cœur bien qu’originaire de Calabre (Italie), diplômée de l’Ecole Supérieure de Spectacle de la « Rue Blanche », Joëlle a longtemps été costumière d’opéra (Carmen, Aïda, Cosi Fan Tutti, Le Marchand de Venise) pour être nommée par la suite responsable de l’atelier de chapeaux de la Comédie Française. Avant de résider en Martinique, elle a créé et tenu pendant une dizaine d’années l’un des meilleurs traiteurs-épiceries fines italiens de la capitale (quartier de la Nation), référencé dans le Guide Pudlowski ou couvert par les magazines L’Express et le Nouvel Observateur. C’est son goût pour la décoration historique et théâtrale, son habileté à utiliser couleurs et textures, à manier les tissus, sa connaissance des saveurs chaleureuses et parfumées d’épices, que vous apprécierez au Domaine Saint Aubin.
Parisien de naissance quoiqu’originaire des Antilles par sa famille paternelle qui y réside depuis les années 1690 au moins, titulaire de deux Licences d’Enseignement obtenues en Sorbonne, Laurent était musicien professionnel pendant une vingtaine d’années dans la capitale où, tout en ayant fondé et dirigé l’une des plus importantes écoles françaises de batterie-percussions, il enregistrait des disques et se produisait avec sa propre formation de Jazz dans des établissements comme l’Hôtel Crillon, le Georges V, le Fouquet’s, le Pavillon Ledoyen, l’Hôtel Intercontinental. C’est avec plaisir qu’il évoquera avec vous les cultures coloniale et européenne au 19ème siècle ainsi que les artistes de Jazz qu’il affectionne particulièrement.
Son ancêtre le plus anciennement connu était Jean Adrien Rosemain* dit « Volange », né en 1715. Ce fut l’un des premiers « libres de couleur », mulâtre propriétaire de son atelier de cordonnerie à St Pierre, ville la plus développée de l’époque. Il savait déjà lire et écrire à cette lointaine période de la colonie, comme l’atteste sur des papiers officiels sa signature, claire et ferme. Cette caractéristique est assez étonnante pour laisser supposer qu’il était le fils d’un planteur blanc et de son esclave noire (hypothèse il est vrai romantique …), son père ayant pu l’affranchir en lui donnant suffisamment d’instruction : procédé habituel pour prouver son affection et reconnaître une union qu’on n’osait néanmoins légitimer. L’autre opportunité de devenir libre (hypothèse plus réaliste, du reste non-exclusive de la précédente …) était de s’affranchir en quelque sorte par soi-même : il s’agit du « nègre à talent », individu dont l’habileté manuelle particulière, conjuguée à une bonne technique d’artisan et relayée par sa conscience professionnelle, en faisaient un tel atout pour la plantation (ébéniste, charpentier, forgeron) ou bien l’habitation (tailleur, cordonnier, bourrelier) qu’au mieux son maître décidait de l’affranchir pour l’estime qu’avaient su faire naître ses bons et loyaux services, ou qu’au pire l’esclave monnayait ses dons auprès de tiers dans ses rares heures vacantes pour se racheter lui-même à son maître après plusieurs années d’économie. Une autre lignée intéressante fut amenée par un arrière-arrière-grand-père de Laurent, dont le nom était Subramanian, chef d’un village en Inde du Sud, qui y fut rapté vers 1850 pour être employé de force en Guadeloupe après l’abolition de l’esclavage (1848). La méthode communément utilisée, réalité historique, était d’inviter à bord d’un vaisseau les notables locaux et leurs familles, à qui l’on faisait boire du rhum en abondance. N’ayant jamais bu d’alcool, ces malheureux tombaient dans un profond sommeil tandis que le bateau levait l’ancre en cachette !*Le nom « Rosemain » est au départ un prénom, originaire de l’actuel Burkina-Faso où il est toujours porté dans des villages de brousse : comme l’immense majorité des autres patronymes antillais, il fut donné pour d’évidentes raisons pratiques comme nom de famille à un esclave affranchi dont c’était alors la seule appellation, puisque considéré comme bien mobilier, il n’avait auparavant aucun état civil.
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